Inclusion, de quoi parle-t-on au juste ?

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Inclusion, de quoi parle-t-on au juste ?

Pour répondre à cette question, nous nous somme tournés vers un spécialiste du sujet : 
  


Éric Dugas (Professeur des universités, Directeur du département Recherche en Sciences Humaines et Sociales, Chargé de mission Handicap).

 

Nous avons en effet récemment mené une série d' interviews sur ce sujet avec différentes personnalités, dont :


Laura FLESSEL (Ministre des sports)
 


Michael Jérémiasz (quadruple médaillé paralympique en tennis)
 
Nous voulons maintenant en savoir un peu plus sur ce que signifie l'inclusion aujourd'hui en 2018. Nous tenons ici à remercier sincèrement Eric d'avoir accepté de répondre à nos différentes questions.

 

Qu'est-ce que l'inclusion / handicap ?

 

Inclure des jeunes en situation de handicap en France revient à dire que c’est aux instances politiques d’intervenir et aux institutions de s’adapter, l’école en fait partie. Alors que l’intégration demande l’effort d’adaptation des personnes concernées devant surtout se plier à la norme collective. 

Sur le plan éducatif, on peut s’appuyer sur une ancienne définition de l’UNESCO (2001) qui stipulait déjà que « L’éducation inclusive se préoccupe de tous les enfants, en portant un intérêt spécial à ceux qui traditionnellement n’ont pas d’opportunité éducative comme les enfants à besoins particuliers, avec incapacités, ou appartenant à des minorités ethniques ou linguistiques, entre autres ».

À l’école, « Le terme “ inclusion” désigne l’affirmation des droits de toute personne à accéder aux diverses institutions communes et destinées à tous, quelles que soient leurs éventuelles particularités » (Chauvière et Plaisance, 2008, p. 36).

 Inclure, c’est un beau projet, « oui… mais comment ? » (en paraphrasant le titre d’un ouvrage de Meirieu), car les ancrages représentationnels ont généralement la vie dure et ceux liés au handicap perdurent et, à l’instar des auteurs suscités, la notion d'inclusion n'empêcherait pas les inégalités dues à la déficience.

Disons que l’inclusion des enfants en situation de handicap s’opposant à l’exclusion, ambitionne de faciliter l’accès à tout un chacun ; notamment à l’école ‒ lieu privilégié de la socialisation ‒ là où se façonne aussi des citoyens en devenir. 

 

 


2/ Dans quelle mesure l'activité physique en milieu ordinaire avec des enfants en situation d'handicap peut-elle être un vecteur de cohésion sociale ?

 


Formulons plutôt que l’activité physique ludique contribue au mieux « vivre-ensemble » car elle permet, par la mise en jeu corporelle, de nouer des interactions comme peu d’autres pratiques sociales les créent et les façonnent. 

Car on s’éprouve avec la totalité agissante de l’individu qui s’exprime dans toutes ses dimensions (motrice, cognitive, relationnelle, affective, expressive, décisionnelle) : dans les jeux sportifs, on communique, on s’affronte, on prend des risques  comme nulle part ailleurs…

Cependant, l’individu agissant et le contexte d’action sont consubstantiels : si ces deux composantes ne sont pas en  harmonie, adaptées après une analyse fine de la situation ludosportive, l’effet peut être contre-productif, voire négatif. 

Cela demande donc la connaissance pointue de l’activité proposée et celle des participants en situation de handicap. Par exemple et selon le type de handicap : l’activité ludique doit-elle opposer des joueurs et les départager par un temps, un score, une note, comme le sport classique ou doit-elle être plus coopérative dans un milieu plus naturel et moins standardisé ? 

Pour le handicap : faut-il partir de la déficience du jeune ou plus finement de son contexte de vie, de son ressenti ? 

En fait, il faut partir de ses compétences et non de ses manques en adaptant la situation.

Je dis souvent qu’il ne faut pas biologiser le handicap, ne pas partir sur les bases de la pathologie X ou Y, mais prendre en compte la pathologie de X (la personne) ou de Y. La nuance est d’importance. 

 

Enfin, si la situation est analysée comme préconisée, elle doit permettre aux participants ‒ dans l’idéal inclusif et non intrusif ‒ d’avoir la liberté de choix et de pouvoir avoir accès à l’activité qu’ils souhaitent. 

Une liberté tournée vers l’« accessibilité universelle » : c’est-à-dire, comme communément scandé,  le principe de « l'accès de tous à tout » avec la volonté d’une participation pleine et entière à la vie sociale. 

Ce qui suppose deux conditions majeures : i) un contexte favorable aux contacts mixtes ou non-mixtes, ceux-ci étant voulus et vécus selon son libre-arbitre, donc non imposés ni  forcés ; ii) un environnement physique et humain adapté aux singularités de jeunes pratiquants. Cela ne s’invente pas, cela s’apprend…

Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, malgré certaines avancées, notamment sur le plan des représentations, des mentalités vis-à-vis du handicap.

 


3/ Tout comme vous proposez une approche systémique du  handicap, peut-on proposer une approche systémique de l'inclusion ?


L’inclusion demande effectivement une approche systémique où tous les acteurs, services, structures et institutions partagent la même ambition sans qu’une partie domine une autre. 

Le tout est plus que les parties qui le compose. Et ce « tout » en synergie place au centre des objectifs visés, l’enfant et son entourage. Il faut être en capacité d’entendre battre le cœur du système, c’est-à-dire l’enfant et sa famille en légitimant leur parole, leur vécu, leurs besoins et attentes. 

Tous les acteurs, professionnels ou non, doivent s’inscrire dans une démarche ascendante et non comme trop souvent « descendante » où les décisions sont prises avec la méconnaissance du terrain et des personnes. Et la méconnaissance engendre peu ou prou la non-reconnaissance.

 


4/ Quelles sont à ce jour tes dernières propositions suite à vos travaux de recherche 

 


Pour les enfants « handicapés » en milieu ordinaire, il est souhaitable de  privilégier des activités plutôt de type coopératif ou des jeux sportifs qui acceptent les réussites ou les échecs sans se solder forcément par la désignation d’un vainqueur et d’un perdant. 

 

Si la compétition est stimulante et intéressante à vivre bien entendu, elle ne doit pas être systématisée, et encore moins à l’école. 

Effectivement, des situations éducatives fondées sur un climat motivationnel orienté vers l’ego, sur l’évaluation et la comparaison entre pairs, peuvent générer chez les élèves du stress, de l’anxiété et un manque de confiance en soi (Jowett et Lavallée, 2008). 

Or, nous savons que ces états sont fortement corrélés avec la violence et l’agressivité. En somme, gagner c’est bien, mais cela implique ipso factoun ou des perdants ; s’il est vrai que l’on peut se construire à partir d’échecs et de pertes (si pas répétés), on peut davantage se construire sur le ciment de la réussite.

Les recherches de terrain révèlent que se sont souvent les plus faibles ou vulnérables qui sont mis de côté au profit des plus forts, le culte de la performance est souvent ancré et reproduit dans les joutes interactionnelles. 

L’éducateur/l’animateur/l’enseignant doit ainsi trouver les subtils dosages afin que la coopération ne devienne pas égoïste. D’ailleurs, proposer des situations ludosportives dans lesquelles l’opposition peut être vécue contre le milieu naturel plutôt que de se confronter à des adversaires est bien souvent salutaire.
 Les entreprises ne s’y trompent pas dès lors qu’elles recherchent la motivation, l’émulation collective et la solidarité entre les employés ; elles privilégient généralement les journées en pleine nature (canoé-kayak, rafting, VTT, escalade, marche, etc...). 

Car le lien social s’exprime à plein lorsque la volonté individuelle est agrégée pour déboucher sur une volonté et réussite collective.

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